La crise sanitaire liée au Covid-19 peut-elle être considérée comme un cas de force majeure permettant de se libérer de ses obligations contractuelles ? C'est une question récurrente qu'on nous pose ces derniers jours.
La réponse nuancée peut se décomposer en quatre parties.
1. Est-ce que le Covid-19 est un cas de force majeure ?
La force majeure est un évènement qui doit présenter trois caractéristiques : l'imprévisibilité, l'extériorité et l'irrésistibilité. En l'occurrence, sauf pour quelques irréductibles, personne n'avait prévu cette crise et ne pouvait la prévoir. Ensuite, la crise nous est tous extérieure en ce sens que nous n'en sommes pas à l'origine.
Par contre, son caractère irrésistible dépend de la nature de nos obligations contractuelles. Si nous avions promis d'organiser un évènement festif ou d'effectuer une prestation qui est impossible pendant la crise, elle peut en effet revêtir aussi cette troisième caractéristique pour nous et donc être constitutive de force majeure permettant de nous exonérer valablement de nos obligations.
Mais cette troisième condition est dure à remplir et la jurisprudence considère par exemple qu'une obligation de paiement peut toujours être exécutée même si nous n'avons plus d'activité.
2. Si nous parvenons à nous libérer de nos obligations par la force majeure en invoquant la crise sanitaire liée au Covid-19, quel sera le sort des obligations de l'autre partie ?
Ce serait en effet trop simple de pouvoir s'exonérer de ses obligations en raison de la force majeure tout continuant à exiger que l'autre partie exécute les siennes.
Pourtant, si l'autre partie a déjà exécuté ses obligations, comme le paiement d'un acompte par exemple, nous pourrions en effet refuser valablement de restituer cet acompte.
Mais si l'autre partie n'a pas encore exécuté ses propres obligations, nous ne pourrions pas non plus la forcer à le faire alors que la force majeure nous empêche d'exécuter les nôtres.
Attention, la force majeure affecte l’exécution du contrat mais ne remet pas en cause sa validité ou son existence.
La suspension, la modification ou la fin du contrat doivent être décidées par les parties ou par une décision judiciaire.
Si la force majeure empêche définitivement l'exécution du contrat, le contrat prendra fin et les parties en resteront là.
Si elle l'empêche temporairement, le contrat sera suspendu temporairement le temps de la crise, l'autre partie ne devant pas non plus exécuter ses prestations.
Si l'empêchement n'est que partiel et qu'une partie du contrat peut quand même être exécutée, elle devra l'être réciproquement par les deux parties.
Il convient de préciser que la force majeure ne peut pas être invoquée par une personne de mauvaise foi ou qui aurait été mise en demeure avant la crise.
3. Quelles sont les solutions pour pallier les conséquences de la force majeure, tirée de la crise sanitaire liée au Covid-19, sur les obligations contractuelles ?
Il y a deux solutions juridiques pour tenter d'éviter de se retrouver devant un tribunal.
La première se situe en amont et consiste à prévoir, dans le contrat, quelles seront les conséquences d'une éventuelle force majeure. Bienheureux ceux qui ont prévu une telle clause dans leur contrat car elle est tout à fait valable.
La seconde se situe en aval et permet à l'une ou l'autre partie d'invoquer la théorie de l'imprévision pour pouvoir renégocier le contrat en fonction de ces circonstances imprévues et imprévisibles. La force majeure affecte l'exécution du contrat mais ne remet pas en cause son existence. Ce sont les parties qui peuvent le suspendre, le modifier ou y mettre fin si elle survient.
La troisième solution, peut-être la plus efficace, n'est pas juridique. Elle relève du bon sens mais surtout du sens de la solidarité, comme ce qu'on a pu lire concernant la décision de certaines collectivités publiques (Ville de Luxembourg et Ville d'Esch) de suspendre l'exigence des loyers de leurs baux commerciaux pendant la crise, sans résilier les contrats comme elles en auraient eu le droit en cas de défaut de paiement...
4. Quel est l’impact du Covid-19 sur certains contrats spécifiques ?
Dans le cadre d'un contrat de travail, le salarié qui n'est pas dans un cas d'exception peut valablement justifier son absence comme une force majeure résultant du confinement obligatoire. L'employeur ne peut pas résilier le contrat pour faute du salarié et doit continuer à payer le salaire puisque son obligation de paiement n'est pas rendue impossible par la crise mais seulement plus difficile.
Dans le cas d'un contrat de vente, il peut dans certains cas y avoir un retard de livraison qui pourrait être justifié par la force majeure. Dans un tel cas, vu que l'acheteur ne pourrait de toute façon pas prétendre à des dommages et intérêt, le plus judicieux serait effectivement de maintenir le contrat si le bien lui est encore utile. Il en est de même d'un contrat de prestations de services. La crise sanitaire actuelle peut valablement être invoquée par une entreprise de nettoyage, par exemple, comme force majeure.
Mais le client peut aussi demander la suspension de son obligation de paiement pendant la période d'absence de prestations.
Pour un contrat de bail, a priori aucune des parties au contrat ne pourrait valablement invoquer la force majeure pour prétendre se libérer valablement de ses obligations contractuelles.
C'est d’ailleurs au sujet d’un contrat de bail que nous avons été interrogés la première fois concernant l’impact de la crise sanitaire sur les obligations réciproques des parties.
Le locataire se demandait si l’arrêt de son activité commerciale en raison de la crise pouvait valablement justifier le non-paiement du loyer.
Or le paiement du loyer est en réalité une obligation qui n'est pas en soi rendue impossible par l'existence de la crise. Le locataire doit se financer autrement que par ses revenus provenant d'une activité commerciale ou professionnelle.
De même, la crise ne rend normalement pas impossible l’exécution des obligations du bailleur de délivrer la chose louée et d'en faire jouir paisiblement le locataire.
En cas de difficultés de paiement du loyer, la solution pour éviter une résiliation conflictuelle aux torts du locataire semble de devoir passer par un accord entre parties pour reporter ces paiements à une date ultérieure ou par un acte de solidarité de la part des bailleurs qui peuvent se permettre de suspendre l’exigence de paiement du loyer pendant la crise.
Bonne santé à vous et à vos proches.
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